La décision adoptée début juin par le G 7 d’introduire une taxe internationale sur les multinationales à hauteur de 15% de leurs bénéfices a été souvent accueillie dans l’euphorie par les officiels français. Plusieurs ONG y ont vu « un premier pas », tout en ne manquant pas de faire part de leurs frustrations sur le « montant trop réduit » de cette taxe.
Qu’en est-il ? Un taux de 25% était avancé initialement par Joe Biden, le président des Etats-Unis, qui semble s’être fait une spécialité des annonces tonitruantes suivies de mises en œuvre au rabais. Mais, plus grave, au-delà de son insuffisance, la proposition du G7 est particulièrement pernicieuse. Elle revient en effet à créer un impôt international faible qui donne bien davantage les coudées franches aux multinationales qu’il ne les astreint à mieux participer au financement des services et du bien public.
Arguant de ce versement à 15% de l’impôt sur leurs bénéfices, proche des niveaux de pays qui jouent ouvertement la carte du dumping fiscal (comme l’Irlande en Europe dont l’impôt sur les sociétés s’établit à 12,5%), elles pourront en effet estimer avoir versé une sorte de solde de tout compte qui les dispense de tout autre contribution aux finances publiques.
Une justification pour réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés
Suprême raffinement, la taxation mise en scène comme un moyen de justice fiscal devient, à y regarder de plus près, un outil pour stimuler le dumping fiscal. Le gouvernement Macron qui a promis d’abaisser à 25% l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) l’an prochain contre 33,3% jusqu’alors (et 50% dans les années 1980) pourra brandir le faible niveau de la taxe internationale comme justification.
Une toute autre réponse est nécessaire pour mettre enfin ces géants à la hauteur de leurs immenses responsabilités et trouver les moyens de faire face aux défis sociaux et climatiques qui apparaissent si décisifs pour la survie même de l’humanité. Qu’ils s’appellent Google, Amazon, Facebook ou Apple ou Microsoft ou qu’ils soient l’un de ces giga-groupes de la pharmacie ou de la finance, leur fonctionnement est tout entier dévoué à engranger des profits, à enrichir leurs actionnaires. Et les milliardaires qui les dirigent, grands gagnants de la pandémie, accumulent des fortunes toujours plus obscènes.
Ces mastodontes globaux doivent payer beaucoup plus aux Etats pour financer les mesures de salubrité publique si cruciales, si indispensables à l’humanité. Ils ne sauraient être tenus pour quitte en leur versant une aumône. Sans que l’on touche par ailleurs aux paradis fiscaux et à leurs multiples outils d’optimisation fiscale.
De vrais droits d’intervention pour les salariés et les citoyens pour une autre gestion des entreprises
La gestion même de leurs affaires est devenue un enjeu majeur pour les citoyens de France et du monde. Elle qui est capturée, verrouillée aujourd’hui par les seuls financiers doit devenir l’affaire de tous : des salariés qui y travaillent comme des citoyens. Ceux- là sont ultra-majoritaires. Et pourtant ils se voient confisquer tout moyen d’intervention pour orienter la gestion de leurs firmes en faveur d’aspects aussi essentiels de leur vie quotidienne que sont les données numériques ou les vaccins.
Les décisions sur l’investissement, l’emploi, la formation, le social, la santé humaine, l’environnement, restent la chasse gardée d’une aristocratie financière. C’est insupportable au XXIème siècle. Une nouvelle ère de la démocratie dans les entreprises, de la coopération internationale, est indispensable. Avec la conquête de pouvoirs véritables pour ceux qui en sont la chair et qui les font tourner.
Article de Bruno Odent, journaliste au journal l’Humanité